Baromètre IRSN 2022 : la perception des Français sur les déchets radioactifs
Le baromètre de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) suit depuis plus de 30 ans la perception des risques et de la sécurité par les Français. En 2022, il présente les évolutions de cette perception selon quatre grands axes : les préoccupations principales des Français, leur regard sur la science et l'expertise, leur perception des situations à risque et leur opinion sur le nucléaire. La perception des déchets radioactifs et leur gestion est évaluée à plusieurs reprises. Décryptage des principaux résultats.
Toutes les images utilisées dans cet article sont issues du baromètre IRSN et la propriété de ©IRSN
Méthodologie
L’édition 2022 du baromètre IRSN présente les résultats de l’enquête annuelle réalisée sur internet du 15 au 22 novembre 2021 par la société Harris Interactive. Au total, un échantillon représentatif de 2003 personnes âgées de 18 ans et plus ont répondu au questionnaire.
Les risques perçus comme les plus élevés pour les français
Question - Dans chacun des domaines suivants, considérez-vous que les risques pour les Français en général sont...
Évolution des résultats - 1997-2021
L’analyse de l’IRSN
Extrait du document d’analyse du baromètre 2022
Pour la troisième année consécutive, les risques liés aux installations nucléaires enregistrent des niveaux historiquement bas. En 2021, comme l’année précédente, les déchets radioactifs sont perçus par 48 % des Français comme ayant un niveau de risque élevé. C’est 9 points de moins que la moyenne enregistrée entre 1997 et 2018 (57 %) et leur deuxième score historique le plus bas après celui de 2019. Ils se trouvent en 18e position, en recul de 7 places par rapport à 2018.
Le point de vue de l’Andra
Naturellement la question des risques intéresse ou préoccupe particulièrement le public. En effet, les déchets radioactifs peuvent être dangereux et c’est la raison pour laquelle ils font l’objet d’une gestion spécifique, adaptée à leurs caractéristiques, et dont l’objectif et de protéger l’Homme et l’environnement, aujourd’hui et sur le long terme.
Les résultats du baromètre IRSN nous confortent dans notre volonté de décloisonner le sujet des déchets radioactifs afin qu’il puisse susciter l’intérêt d’un large public et ne se limite pas à la sphère des experts.
À travers notre démarche d’information et de dialogue, nous avons la volonté de faire connaître ce sujet et les enjeux de la gestion des déchets radioactifs afin de permettre à chacun de prendre part aux débats.
Panorama des situations à risque
Le baromètre IRSN évalue la perception des risques selon plusieurs points de vue :
- les risques perçus pour les Français (voir point précédent) ;
- les risques perçus pour soi et ses proches ;
- la confiance accordée par les Français aux autorités pour les protéger.
Figure - Représentation des 35 situations à risque selon les 2 dimensions : niveau de risque élevé et confiance
Le Baromètre 2022 a également proposé pour la première fois une réflexion sur la perception des risques par les salariés de l’IRSN. « En novembre 2021, en effet, il a été proposé aux quelques 1 800 salariés de l’Institut de remplir le questionnaire du Baromètre en même temps que l’échantillon « grand public » français. Un tiers d’entre eux (571) se sont prêtés à l’exercice et ce tiers se révèle remarquablement représentatif de la population de l’IRSN à la fois en termes de genre, de région, de CSP et de catégorie d’âge. »
Figure - Réponses des Français et des salariés de l’IRSN à la question « Dans chacun des domaines suivants, considérez-vous que les risques pour les Français en général sont : quasi-nuls, faibles, moyens, élevés ou très élevés ? »
L’analyse de l’IRSN
Extrait du document d’analyse du baromètre 2022
[Les salariés de l’IRSN] sont 62 % (+ 42 points [par rapport aux Français]) à juger les risques liés aux déchets radioactifs comme quasi-nuls ou faibles et ils considèrent bien davantage que « Les habitants à proximité d’installations nucléaires sont en aussi bonne santé qu’ailleurs » (84 %, + 42 points). Ils estiment par ailleurs que les installations chimiques (55 %, + 37 points) risquent le plus de provoquer un accident grave en France et non les centrales nucléaires (10 %, - 17 points) ou le stockage des déchets radioactifs (3 %, - 17 points).
Le point de vue de l’Andra
Le baromètre met en évidence un important décalage sur la perception des risques liés aux déchets radioactifs, selon le point de vue des personnes questionnées. Lorsqu’il s’agit de répondre de manière générale, pour les Français, ils sont 48 % à considérer le risque comme élevé. Un chiffre divisé par deux quand il s’agit d’évaluer ce risque pour soi ou ses proches (24 %) et à nouveau divisé par deux (12 %) pour un public plus expert du sujet comme les salariés de l’IRSN. On peut d’ailleurs noter que, parmi l’ensemble des risques, c’est pour celui lié aux déchets radioactifs qu’il y a l’écart le plus grand entre la perception pour les Français et la perception des salariés de l’IRSN.
Nous pourrions faire le parallèle avec l’enquête annuelle que nous réalisons auprès des Français et des riverains des centres de l’Andra. On remarque ainsi que, d’une part, les riverains des centres de l’Andra ont davantage confiance en la maîtrise de la gestion des déchets radioactifs, et, d’autre part, que plus ils sont proches de nos installations et mieux informés, moins ils se disent inquiets.
Il y a donc un enjeu fort à poursuivre les actions de pédagogie afin de donner à chacun les clés de compréhension sur la gestion des déchets radioactifs.
L’acceptabilité des installations
Question - Accepteriez-vous de vivre près...
Évolution des résultats - 1990-2021
L’analyse de l’IRSN
Extrait du document d’analyse du baromètre 2022
Historiquement, les sites de stockage de déchets radioactifs recueillaient un taux de réponses positives inférieur aux installations chimiques importantes. Depuis 2019, ces deux installations enregistrent des scores de réponses positives quasiment identiques. Elles sont toutes deux à 8 % en 2021. Les accidents de l’usine Lubrizol de Rouen en 2019 et du port de Beyrouth en 2020 ont pu influencer les réponses en relativisant le risque des sites de stockage de déchets nucléaires par rapport à ceux des installations associées à la chimie.
Le point de vue de l’Andra
Les centres de stockage de déchets radioactifs gérés par l'Andra ont un impact extrêmement faible sur leur environnement. Mais il est tout à fait naturel de s’interroger sur la nature de ces impacts, sur les risques qui pourraient exister, etc.
C’est pourquoi l’Andra met en œuvre une importante politique d’information et de dialogue, notamment auprès des riverains. Nous organisons par exemple toute l’année des visites de nos installations, ainsi qu’une journée portes ouvertes une fois par an. Cela permet au public de venir se rendre compte, de lui-même, de la manière dont sont gérés les déchets radioactifs.
La perception des déchets nucléaires et de leur gestion
Question - Voici un certain nombre de propositions relatives aux installations nucléaires. Veuillez indiquer selon l’échelle suivante si vous êtes d’accord ou non.
Évolution des résultats 1983-2021 (en %)
L’analyse de l’IRSN
Extrait du document d’analyse du baromètre 2022
Seuls 30 % pensent qu’« aujourd’hui, il est possible de stocker les déchets nucléaires de façon sûre », tandis que 35 % ne sont pas d’accord et 35 % sont indécis. Par rapport à l’an passé, les désaccords sont légèrement moins nombreux (- 4 points), au profit des indécis (+ 3) et des adhésions (+ 1). De même, une comparaison aux valeurs de 1992, dernier point de donnée avant 2020, montre une progression des adhésions de 7 points aux dépens des désaccords, qui ont baissé d’autant, passant de 42 % à 35 %. Les Français pensent donc davantage aujourd’hui qu’en 1992 qu’une solution sûre existe pour stocker les déchets nucléaires.
Le point de vue de l’Andra
Stocker les déchets radioactifs de façon sûre est l’objectif des centres de stockage de déchets radioactifs afin de protéger l’Homme et l’environnement.
Ces installations, adaptés aux catégories de déchets qu’ils reçoivent, sont conçues pour assurer la sûreté pendant leur exploitation et sur le long terme. Elles prennent en compte de nombreux scénarios (séisme, inondation, explosion, intrusion, etc.) afin de mettre en place des dispositions pour prévenir les risques, réduire leur probabilité et limiter leurs effets, de sorte que l’impact reste maîtrisé en toutes circonstances, durant toute la vie des stockages.
Pour leur part, les riverains des centres de l’Andra considèrent, pour la majorité (68 %), que la gestion des déchets radioactifs est bien maîtrisée (76 % dans la Manche, 68 % dans l’Aube et 61 % en Meuse/Haute-Marne).
Question - Pour régler le problème du stockage des déchets radioactifs, quelle position vous semble la plus raisonnable ?
Évolution des résultats 2005-2021 (en %)
L’analyse de l’IRSN
Extrait du document d’analyse du baromètre 2022
L’opinion est [...] remarquablement constante quant à la position qui lui semble « la plus raisonnable pour régler le problème du stockage des déchets radioactifs » : une action rapide est à nouveau plébiscitée. Cette question a été réintroduite cette année. Elle avait été posée lors des enquêtes de 2005, 2010 et 2011, livrant des résultats stables. En 2021, les Français préconisent à nouveau à une écrasante majorité (68 %) de « se décider et appliquer au plus vite la solution », la moyenne des années précédentes étant de 66 %. Ils sont un quart environ (26 %) à préférer « prolonger de 10 ans les recherches », à égalité avec la moyenne des années antérieures. Seuls 6 % déclarent que la position la plus raisonnable est de « laisser le choix aux générations futures », ce qui là encore correspond à la moyenne historique.
Tous les Français ne répondent pas de la même manière à cette question. Les 34 ans et moins sont en effet 62 % à préconiser la réponse la plus rapide à ce problème contre 75 % des 65 ans et plus. Les cadres et professions libérales sont pour leur part 34 % à préconiser de prolonger les recherches de 10 ans, soit 8 points de plus que les Français en général.
Le point de vue de l’Andra
Aujourd’hui, il existe des solutions de gestion à long terme pour plusieurs catégories de déchets : le Centre industriel de regroupement d’entreposage de stockage pour les déchets de très faible activité, ainsi que le Centre de stockage de l’Aube pour les déchets de faible et moyenne activité, principalement à vie courte (qui a pris le relais du tout premier centre de stockage français, implanté dans la Manche, et actuellement en phase de fermeture).
Pour les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, c’est le stockage géologique profond, étudié depuis maintenant plus de 30 ans par l’Andra, qui est la solution de référence en France et à l’international. Ainsi, l’Andra est chargée par l’État de concevoir le projet Cigéo pour mettre en sécurité ces déchets et protéger de leur dangerosité.
L’action rapide plébiscitée par les Français dans le baromètre IRSN rejoint les préoccupations de l’Andra : faire Cigéo aujourd’hui répond à un objectif éthique, ne pas léguer aux générations futures la charge des déchets produits par les activités dont nous bénéficions au quotidien. Nous disposons dès maintenant de toutes les compétences, d’un site d’implantation, ainsi que des financements nécessaires pour développer le projet. Engager Cigéo n’enferme cependant pas la société dans les décisions d’aujourd’hui car l’installation sera réversible, se développera de manière progressive et permettra par exemple de prendre en compte d’éventuels futurs progrès techniques.
Le groupe d’experts économistes, qui a mené une évaluation socio-économique du projet, estime d’ailleurs que la réalisation de Cigéo aujourd'hui est une forme d’ « assurance » pour les générations futures afin de mettre définitivement en sécurité les déchets les plus dangereux.
La compétence et la crédibilité des intervenants du nucléaire
Question - Dans le domaine de l’industrie et de l’énergie nucléaire, pensez-vous que les intervenants et les organismes suivants sont techniquement compétents ?
Question - Dans le domaine de l’industrie et de l’énergie nucléaire pensez-vous que les intervenants et les organismes suivants sont des sources d’information de confiance ?
L’analyse de l’IRSN
Extrait du document d’analyse du baromètre 2022
Les Français estiment à nouveau en 2021 que le CNRS (76 %) est l’organisme le plus compétent dans le domaine de l’énergie et de l’industrie nucléaire. En 2e et 3e positions se trouvent à égalité presque parfaite (72 %, avec quelques répondants d’écart seulement) l’ASN et l’IRSN. Le trio de tête est inchangé depuis 2018, composé d’acteurs publics de la recherche ou du contrôle. Viennent ensuite les autres acteurs perçus par l’opinion comme étant des spécialistes du domaine, parmi lesquels le CEA (69 %) et l’Andra (66 %).
Le point de vue de l’Andra
Nous maintenir en bonne place (5e position sur 20) parmi les acteurs considérés comme compétents dans le domaine de l’énergie et de l’industrie nucléaire témoigne de notre expertise sur la durée. En effet, l’Andra c’est plus de 50 ans d’expérience dans le stockage des déchets radioactifs, en tant qu’exploitant d’installation nucléaire de base (INB), et plus de 30 ans de recherches et de conception sur le stockage géologique. Une activité qui est rigoureusement encadrée et surveillée.
Sur la crédibilité, nous restons également bien placés (7e position sur 20), mais cette courte majorité (55 %) doit nous inciter à maintenir nos efforts afin que l’Agence soit davantage reconnue comme une source d’information de confiance à l’échelle nationale, comme c’est le cas à l’échelle locale. Selon notre dernière enquête auprès des Français et des riverains de nos centres, la majorité de ces derniers (69 %) nous font confiance pour fournir des informations objectives sur la prise en charge des déchets radioactifs.
Nous nous attachons à mettre disposition des informations complètes, transparentes et adaptées à chacun, du grand public aux très experts. Tous les documents de référence sur le projet Cigéo sont par exemple à disposition librement sur notre site internet et les données de l’Inventaire national des matières et déchets radioactifs disponibles en open data. La confiance du grand public passe aussi par notre capacité à rendre accessibles des informations parfois techniques. Des outils comme notre magazine en ligne ou la vidéo sont là pour nous y aider.