État des lieux de la gestion des déchets les plus radioactifs dans le monde
Partout dans le monde, le stockage profond s’impose comme la solution de référence pour le stockage des déchets les plus radioactifs, avec des états d’avancement différents. Zoom sur quelques projets.
Suède
- Parc électronucléaire : 6 réacteurs en service dans 3 centrales. 6 sont arrêtés. Publiée en novembre 2023, la feuille de route pour le nouveau nucléaire envisage la construction de nouveaux réacteurs.
- Organisme de gestion des déchets radioactifs : Swedish Nuclear Fuel and Waste Management Company (SKB)
En octobre 2024, le Tribunal foncier et environnemental suédois a donné son autorisation au projet de stockage profond de ses déchets radioactifs les plus dangereux. Avec cette autorisation, les travaux de construction en surface vont pouvoir démarrer sur le site de Forsmark, situé au nord de Stockholm. La construction de l’installation souterraine reste soumise à l’autorisation de l’Autorité de sûreté suédoise, dont la décision est attendue dans plusieurs mois. La mise en service est envisagée à l’horizon 2035.
Implanté à 500 mètres de profondeur, dans une roche granitique, le site de stockage de Forsmark pourra accueillir 12 000 tonnes de combustible nucléaire usé du parc nucléaire actuel, la Suède ne disposant pas de filière de retraitement. Les déchets seront conditionnés dans des conteneurs en cuivre avant d’être placés en profondeur dans des alvéoles de stockage qui, une fois remplies, seront comblées avec de la bentonite, une variété d’argile gonflante.
Pour étudier le stockage géologique, la Suède dispose depuis les années 1991 d’un laboratoire de recherche souterrain (Äspö), sur la côte sud-est du pays.

©SKB
Finlande
- Parc électronucléaire : 5 réacteurs en service dans 2 centrales.
- Organisme de gestion des déchets radioactifs : Posiva Oy
La Finlande est le premier pays au monde à avoir mis en œuvre un stockage géologique pour ses déchets les plus radioactifs. Localisée sur l’île d’Olkiluoto (sud-ouest du pays) qui abrite déjà trois réacteurs nucléaires, l’installation nommée Onkalo, située à 430 mètres de profondeur, dans le granite, est entrée en phase d’essais. Elle pourra accueillir 6 500 tonnes de combustible nucléaire usé. Leur conditionnement et leur stockage sont identiques à ceux de leur voisin suédois.
En août 2024, Posiva, l’entreprise en charge du projet, a démarré avec succès sa phase d’essais de stockage avec quatre colis tests, sans radioactivité. L’Autorité de sûreté nucléaire finlandaise (STUK) s’est donnée jusqu’au 31 décembre 2025 pour se prononcer sur l’autorisation de mise en service de ce qui pourrait être le premier stockage géologique de déchets radioactifs de haute activité en service dans le monde.

©Posiva
Suisse
- Parc électronucléaire : 4 réacteurs nucléaires en service. Le réacteur de la centrale de Mühleberg est définitivement arrêté en 2019.
- Organisme de gestion des déchets : la Société coopérative nationale pour le stockage des déchets radioactifs (NAGRA)
Dès les années 1980, la Suisse a fait le choix de stocker tous ses déchets radioactifs, soit environ 83 000 m3 de déchets radioactifs (faible, moyenne et haute activité), en couche géologique profonde. En novembre 2024, la NAGRA a déposé une demande d’autorisation générale pour la réalisation d’un stockage profond dans la région du nord des Lägern (au nord de la Suisse). L’installation est prévue à environ 800 mètres de profondeur dans une couche d’argile. Après avis des autorités compétentes, le gouvernement rendra sa décision en 2029, suivi par le Parlement en 2030. La population pourrait s’exprimer à son tour lors d’un référendum en 2031.
S’il est autorisé, le projet pourrait accueillir, dès 2050, une première zone de stockage pour les déchets radioactifs de faible et moyenne activité. La construction de la zone de stockage pour les déchets de haute activité débuterait ensuite à partir de 2055, et le stockage de ces déchets cinq ans plus tard.
La Suisse a étudié le stockage géologique en couche argileuse dans son laboratoire de recherche souterrain du Mont-Terri (nord-ouest du pays).

©NAGRA
Canada
- Parc électronucléaire : 17 réacteurs sont en service, répartis dans 4 centrales. 8 réacteurs sont arrêtés.
- Organisme de gestion des déchets : Société de gestion des déchets nucléaires canadienne (SGDN)
Depuis 2007, la SGDN travaille sur un projet de stockage profond de ses déchets les plus radioactifs. En novembre 2024, elle a retenu une formation rocheuse cristalline située au nord-ouest de l’Ontario pour y implanter l’installation. Les résidents de la commune d’Ignace et les populations autochtones de Wabigoon Lake ont confirmé qu’ils consentaient à passer à l’étape suivante en vue d’accueillir le projet.
L’installation est prévue à plus de 500 mètres de profondeur et stockera les combustibles nucléaires usés du pays (le Canada ne retraite pas son combustible). Ils seront au préalable conditionnés dans des conteneurs en acier. Sous réserve des autorisations de la Commission canadienne de sûreté nucléaire et de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada, la SGDN envisage la construction du stockage vers 2033 puis le début de l’exploitation au début des années 2040.

©SGDN
Royaume-Uni
- Parc électronucléaire : 9 réacteurs sont en service, répartis sur 5 centrales. 36 réacteurs sont arrêtés et 2 réacteurs EPR sont en cours de construction.
- Organisme de gestion des déchets : Nuclear Waste Services (NWS)
C’est au Royaume-Uni que la première centrale nucléaire de production d’électricité au monde a vu le jour en 1956, à Sellafield, au nord-ouest de l’Angleterre. Après plusieurs années de réflexion, le gouvernement s’est arrêté sur le choix du stockage profond, en 2006, pour la gestion à long terme des déchets les plus radioactifs. Il décide de lancer, en 2018, une nouvelle politique de recherche de site.
Quatre communautés locales se sont engagées dans ce processus de sélection en formant des partenariats locaux (community partnerships) : trois dans le comté de Cumbria, au nord-ouest de l’Angleterre (Mid Copeland, South Copeland et Allerdale), et un à l’est, dans le comté de Lincolnshire (Theddlethorpe). Ces community partnerships permettent à NWS d’entamer des discussions locales et une enquête sur l’implantation d’un stockage géologique sur les lieux. En septembre 2023, l’organisme britannique a décidé de ne pas poursuivre avec la communauté d’Allerdale pour des questions de sûreté du potentiel stockage.
D’ici à 2026, NWS devrait choisir deux communautés avec lesquelles poursuivre ses recherches de site. Le processus de sélection pourrait s’étendre sur quinze à vingt ans, pour une mise en service, après une dizaine d’années de travaux, à l’horizon 2050.

WIPP : un stockage géologique profond en activité
Depuis 1999, à environ 700 mètres de profondeur, dans une formation géologique saline du Nouveau-Mexique, le WIPP (Waste Isolation Pilot Plan) abrite les déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue issus du programme militaire des États-Unis.
En 2014, deux événements, un incendie et une réaction exothermique à l’intérieur d’un colis de déchets, ont successivement et à un intervalle de temps court affecté les installations et entraîné un arrêt de l’exploitation jusqu’en janvier 2017, date à laquelle l’exploitation a pu reprendre après la mise en œuvre de mesures correctives et leur approbation par les autorités. Les enseignements de ces événements ont été intégrés dans les études de conception du projet Cigéo.
Quant à la gestion des déchets de haute activité et du combustible usé, un rapport de 2012 de la commission d’experts indépendants Blue Ribbon, missionnée par le gouvernement américain, présentait les conclusions suivantes : la création d’une installation d’entreposage centralisée pour accueillir temporairement ces déchets (en cours de développement aujourd’hui) ; l’importance du stockage géologique, qui reste, selon la commission, la meilleure solution pour gérer ces déchets à long terme.