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Gestion des déchets radioactifs : l’Espagne affine ses choix

L’Espagne a récemment publié son septième plan général des déchets radioactifs, qui définit les choix stratégiques de gestion à ce sujet. Alors que l’exploitation du centre de stockage en surface d’El Cabril devrait se poursuivre jusqu’à la fin du démantèlement des centrales nucléaires du pays, le projet d’un stockage géologique pour les déchets les plus radioactifs avance avec l’établissement d’une feuille de route pour sa mise en œuvre.

Centrale nucélaire de Cofrentes (province de Valence)
©AdobeStock

Le 27 décembre 2023, le gouvernement espagnol a validé la septième édition de son plan général des déchets radioactifs, ou PGRR(1). Ce document définit la stratégie et les actions à mettre en œuvre à court, moyen et long terme pour assurer une gestion sûre et adaptée des déchets radioactifs, issus en grande majorité de la production électronucléaire du pays. 

Il est à restituer dans le contexte de sortie progressive de cette filière engagée par le gouvernement espagnol. Aujourd’hui, sept réacteurs demeurent en activité en Espagne, dans cinq centrales : Almaraz, Ascó, Cofrentes, Trillo et Vandellós. Leurs fermetures sont programmées entre 2027 et 2035 selon le nouveau PGRR. Leurs démantèlements s’ajouteront à ceux, en cours, de trois autres réacteurs déjà arrêtés à Vandellós, Zorita et Santa María de Garoña.

(1)Plan general de residuos radiactivos.

El Cabril, un stockage en surface de référence

Vue aérienne d'El Cabril
©Enresa

Les opérations de démantèlement produiront un volume important de déchets radioactifs qui seront stockés sur le centre de stockage en surface espagnol d’El Cabril, dans la région de Cordoue (Andalousie). Ouverte en 1992, cette installation accueille les déchets de faible et moyenne activité (FMA) provenant des installations nucléaires du pays, mais également issus d’autres activités, industrielles, médicales ou de recherche. El Cabril dispose également, depuis 2008, d’une zone supplémentaire pour les déchets de très faible activité (TFA) et est équipée d’installations de traitement des déchets afin d’en réduire le volume.

Le septième PGRR prévoit que l’activité d’El Cabril se poursuive jusqu’à l’achèvement du démantèlement du parc nucléaire espagnol, comme le prévoyait déjà le précédent plan. Il précise que les efforts à consentir sur cette installation, jugée suffisante, seront concentrés sur le maintien et l’optimisation de ses capacités. Vers fin 2028, un espace de stockage supplémentaire sera d’ailleurs nécessaire pour la gestion des déchets FMA. Dans ce contexte, l’étude d’impact sur l’environnement relative à cette extension a été publiée le 28 février dernier après que les procédures de demande de construction de nouvelles cellules de stockage ont été lancées en juin 2022.

Restent à obtenir l’avis favorable de l’Autorité de sûreté espagnole (Consejo de Seguridad Nuclear, CSN) et le permis de construire du ministère de la Transition écologique et du Défi démographique (MITERD). La capacité actuelle de l’installation serait ainsi pratiquement doublée en matière de stockage des déchets de faible et moyenne activité.

Stockage de déchets de faible et moyenne activité (FMA)
©Enresa
Stockage de déchets de faible et moyenne activité (FMA)
©Enresa
Stockage de déchets de faible et moyenne activité (FMA)
©Enresa
Stockage de déchets de très faible activité (TFA)
©Enresa
Stockage de déchets de très faible activité (TFA)
©Enresa
Stockage de déchets de très faible activité (TFA)
©Enresa

Pas de site d’entreposage centralisé pour les déchets les plus radioactifs

La principale nouveauté de ce septième PGRR est la confirmation de l’abandon du projet de site d’entreposage temporaire centralisé pour les déchets de haute activité (HA) et les combustibles nucléaires usés(2) à Villar de Cañas, à environ 150 km au sud-est de Madrid. Les cinq centrales encore en exploitation et les deux sites en cours de démantèlement devront donc construire leur propre installation d’entreposage temporaire pour conserver, pendant plusieurs décennies, ces déchets radioactifs les plus dangereux issus de leur activité.

Cette décision entérine une situation de fait puisqu’en l’absence d’autres options les sites concernés entreposent de longue date les combustibles usés en piscine ou à sec. Les installations temporaires demandées par le PGRR devront ainsi demeurer opérationnelles jusqu’à la mise en service d’une solution de stockage définitive.

(2) Contrairement à la France, l’Espagne ne retraite plus son combustible usé depuis 1983. Il est donc considéré comme un déchet radioactif en tant que tel.

 

Vers le stockage géologique profond

Sans changement depuis le précédent plan, celle-ci doit être une installation de stockage géologique, ou AGP, comme Cigéo en France. Le choix du site reste à faire. À cette fin, le PGRR établit une feuille de route détaillée, garantissant l’information du public et la transparence des études et de la décision, comme dans les autres pays européens plus avancés sur cette voie.

Mais le pays ne part pas d’une page blanche, puisque les études sur le potentiel géologique du sous-sol espagnol ont commencé en 1985. Elles ont permis de conclure à la présence de formations granitiques, argileuses et salines potentiellement favorables. Plusieurs modèles conceptuels visant à démontrer la sûreté d’une solution de ce type ont déjà été développés et évalués. Seule différence notable par rapport aux prévisions du plan précédent : la mise en service de cette installation est repoussée d’une décennie, vers les années 2070.

 

France-Espagne, une coopération active

La coopération entre l’Andra et son homologue espagnol, l’Enresa, ne s’est jamais interrompue depuis un premier accord en 1986. Elle se matérialise par des échanges techniques réguliers sur la gestion opérationnelle des déchets, la R&D ou l’animation du dialogue avec les communautés locales voisines des centres de stockage. Début juin 2023, une délégation de l’Enresa était ainsi reçue au Centre de stockage de l’Aube (CSA) puis au Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires), pour travailler sur la thématique de la surveillance, en particulier du tritium et du carbone 14 dans les ouvrages de stockage d’El Cabril. 

Visite de la délégation d'Enresa au Cires.
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