A la découverte de l'Univers : rencontre avec l'astrophysicienne Hélène Courtois
Docteure en astrophysique et professeure à l'université de Lyon 1, Hélène Courtois est mondialement reconnue pour sa découverte de Laniakea, le superamas de galaxies qui abrite notre Terre. Invitée par l'Andra dans le cadre de la fête de la Science, elle a animé des ateliers de cosmographie auprès de collégiens et lycéens, ainsi qu'une conférence grand public intitulée "Lumières sur l'Invisible. Un voyage dans Laniakea et plus encore". Entretien.
Vous êtes très engagée dans la diffusion de la culture scientifique et de l'éducation pour tous. Pourquoi ?
Hélène Courtois : Une découverte qui reste dans le cerveau de quelques spécialistes n'en est pas vraiment une. Il faut encore qu'elle passe dans la "réalité" du plus grand nombre. Tout le monde peut se représenter un superamas de galaxies s'il est décrit avec les bons mots et les bonnes images. D'ailleurs, au sens premier du terme, découvrir, c'est simplement retirer ce qui cache quelque chose pour donner à voir. C'est pourquoi je suis toujours allée à la rencontre de tous les publics, dans les banlieues, les campagnes et même au cœur des zones rurales africaines. Avec une préférence pour les collégiens, qui n'ont pas d'idées préconçues sur le cosmos et acceptent parfois plus facilement une nouvelle théorie que des étudiants plus âgés, formatés par ce qu'ils ont déjà appris. C'est aussi une manière d'éveiller des vocations scientifiques. Un jour, je me suis retrouvée devant des enfants dans un village de montagne sur l'île de La Réunion. J'ai pu leur dire : "J'ai grandi dans les Alpes, au milieu des vaches, comme vous. Si vous avez vraiment envie de devenir chercheur ou chercheuse en astrophysique, rien ne pourra vous en empêcher !".
Au cours des ateliers que vous avez animés pour l'Andra, vous avez changé l'adressé des élèves...
Pas changé : complété. Ils sont repartis avec une carte de visite où ils ont écrit "Laniakea" après le nom de leur rue, de leur commune, de leur pays, de leur planète, de leur Système solaire et de leur galaxie, la Voie lactée. En hawaïen, Laniakea veut dire "horizon céleste immense". C'est le superamas de galaxies dans lequel nous "habitons". D'après nos calculs, il ferait 500 millions d'années-lumière de diamètre, contiendrait 100 000 grosses galaxies de 100 milliards d'étoiles comme la nôtre, plus 1 million de galaxies naines. Les superamas de galaxies sont les plus vastes ensembles organisés de corps célestes que nous avons pu délimiter dans l'Univers, pour l'instant. En plus de Laniakea, nous avons observé et cartographié nos cinq superamas voisins. Nous comptons sur le télescope spatial européen Euclid, lancé en 2023, pour en cartographier 6 000 de plus, dans un "morceau d'univers" de 10 milliards d'années-lumière de diamètre.
« Tout le monde peut se représenter un superamas de galaxies s'il est décrit avec les bons mots et les bonnes images »
Les élèves ne se sentent-ils pas perdus à de telles échelles ?
Moins que les adultes. N'avez-vous jamais remarqué comme ils jonglent ans grandes difficultés avec les millions d'années des dinosaures ? Ils ne sont pas impressionnés par ces chiffres. Ils sont même plutôt rassurés de situer leur village dans le cosmos, aussi loin que l'on puisse l'observer. Quand on a une bonne carte, on n'est pas perdu. Où que je sois sur la planète, je sais exactement où je me trouve en regardant les étoiles.
Vous êtes cosmographe - c'est-à-dire cartographe du cosmos - et pourtant nous ne cessez de parler du temps : pourquoi ?
Même si elle voyage à la vitesse ultrarapide de la lumière, l'image des corps célestes met un certain temps à nous parvenir. Même l'étoile la plus proche, notre Soleil, nous apparaît avec un retard de huit minutes. En cosmographie, les distances sont immenses et, très vite, il est plus facile de les mesurer en années-lumière - en référence à la distance que parcourt la lumière en une année - qu'en kilomètres, ce qui donnerait des chiffres faramineux. Cela exprime aussi la particularité de nos cartes du cosmos, qui assemblent des objets qui n'existent pas au même moment. Entre les 500 millions d'années-lumière qui séparent les plus distants, notre carte de Laniakea raconte davantage son histoire que son présent. C'est pourquoi nous parlons de cartographie dynamique. C'est d'ailleurs le mouvement des galaxies de Laniakea, convergeant vers une sorte de vallée, qui nous a permis d'en délimiter les contours, comme on délimite les limites d'un bassin-versant en hydrographie.
Quels sont vos nouveaux champs de recherche ?
D'abord, j'ai la chance de participer au programme spatial Euclid, qui va agrandir comme jamais notre carte de l'Univers et nous faire remonter à son adolescence, il y a 10 milliards d'années. Ensuite, je viens de lancer un programme de recherche sur les grands vides cosmiques, qui occupent 80 % de l'Univers. Pour équilibrer leurs modèles de calcul, les théories actuelles de la gravitation les supposent remplis d'une entité invisible, souvent appelée "énergie noire". Avec mon équipe, nous allons tenter de mieux cerner les forces d'expansion et de gravitation qui s'exercent dans ces régions encore mal cartographiées. C'est un défi scientifique très stimulant pour finir ma carrière !





