Construire la mémoire
Comment indiquer aux générations futures la présence d’un centre de stockage de déchets radioactifs ? Pour répondre à cette question fondamentale, l’Andra conduit un programme sur la conservation et la transmission de la mémoire et fait appel aux citoyens pour contribuer à sa réflexion.
Pour le Centre de stockage de l'Aube, les objectifs recherchés sont de conserver la mémoire du site durant toute la période de surveillance, soit environ 300 ans, et cela dans un format accessible, compréhensible et utilisable par tous. Les défis sont multiples : définir le lieu et les conditions de conservation les plus pertinents, adapter le langage et le symbolisme et développer les marqueurs de surface sur le long terme.
Pour cela, l'Andra a conçu un dispositif complet qui repose notamment sur les informations techniques et réglementaires, ainsi que sur l'implication des riverains dans la transmission de cette mémoire entre générations : c'est le programme "Mémoire pour les générations futures" qui se décline pour chacun des centres de stockage de déchets radioactifs.
Les documents réglementaires
Dans le cadre de la conservation et de la transmission de la mémoire des centres de stockage sur le long terme, l’Andra s’appuie sur les archives pour constituer deux dossiers réglementaires : le dossier synthétique de mémoire (DSM) et le dossier détaillé de mémoire (DDM).
- Destiné au grand public et appelé à être diffusé largement, le dossier synthétique de mémoire comporte les principales informations relatives à l’histoire du centre de stockage depuis sa création, à la nature des déchets radioactifs présents et aux risques qui leur sont associés. Ce dossier doit fournir à un public le plus large possible les informations nécessaires pour que le centre de stockage soit inscrit dans la mémoire collective et ne puisse pas faire l'objet d'interventions intempestives, notamment au-delà des 300 ans de la phase de surveillance.
- Le dossier détaillé de mémoire s’adresse en priorité aux exploitants successifs du centre de stockage. Il est plus technique que le DSM et se compose d’une sélection de données et de documents effectuée parmi nos fonds d’archives afin de donner accès à une connaissance la plus exhaustive possible des questions liées à l’installation. Les documents de la mémoire détaillée doivent d'une part permettre aux générations futures d'intervenir à bon escient dans le cas d'une situation anormale, et d'autre part de connaître les informations concernant le site au cas où elles envisageraient de l'exploiter à d'autres fins. Ces documents sont dupliqués sur papier permanent, manipulés avec des gants et déposés dans des boîtes d'archives appropriées.
En savoir plus sur le papier permanent
Le groupe de réflexion sur la mémoire du CSA
Dans l’Aube, un groupe de travail bénévole a été constitué en 2011 en vue de trouver des solutions originales et innovantes pour permettre la conservation et la transmission de la mémoire des sites de stockage. Constitué d’une vingtaine de personnes regroupant des riverains, des élus locaux, des acteurs de la vie associative, ce groupe poursuit un seul objectif : sauvegarder et transmettre la mémoire aux générations futures.
Les travaux du groupe de réflexion sur la mémoire portent notamment sur :
-
La mémoire orale : Le groupe travaille, avec l'association « Le son des choses », sur la conservation d’une mémoire orale, à l’aide de témoignages. L’objectif est d’obtenir des interviews du personnel, de retraités et prestataires des centres, pour conserver les pratiques professionnelles, mais aussi de riverains, d’élus, de journalistes, des agriculteurs, etc., afin de rendre compte de leur vécu vis-à-vis de l’histoire des centres de l’Aube. Ces témoignages viendront enrichir les recherches menées sur le recueil de la mémoire des sites.
- La conservation d'articles de presse : Depuis 2014, le groupe "mémoire" mène un travail de sélection des articles parus dans la presse locale, de manière à rendre compte de l’histoire du Centre de stockage de l’Aube. Les articles retenus couvrent des périodes allant de l’annonce du choix du site jusqu’à la phase actuelle d’exploitation.
- La sémiotique sonore et l'art : Le groupe "mémoire" des centres de l’Aube a également pu participer à une expérience sur le son consistant à écouter des séquences sonores et à décrire les effets qu’elles provoquent sur l’auditeur. Des membres du groupe ont également donné leur avis sur les propositions des lauréats de l’appel à projet « Art et Mémoire », qui a consisté à inviter des artistes à imaginer comment s’exprimer auprès des générations futures par l’intermédiaire de leurs créations.
- La transmission de la mémoire par le théâtre : En 2019, le groupe "mémoire" de l'Aube a souhaité plus particulièrement sensibiliser les jeunes à cette question. Ils ont travaillé sur un projet de lecture théâtralisée avec l'aide de deux professionnels du théâtre. Ensemble, ils ont écrit et mis en scène six saynètes abordant de grandes thématiques telles que la radioactivité ou la mémoire mais de façon ludique et originale : concours d'éloquence, slam, intervention d'une Youtubeuse...
La lecture théâtralisée en vidéo
- La transmission de la mémoire à travers le jeu : En 2021, le groupe mémoire a réalisé une escape box qui propose aux joueurs de faire un bond dans le futur, précisément en 2362, près de 370 ans après la mise en service du Centre de stockage de l'Aube. L'objectif de ce jeu ludique et interactif est de résoudre des énigmes permettant de retrouver la localisation précise d'un site où des déchets radioactifs ont été stocks plusieurs siècles auparavant. Une belle idée pour sensibiliser le grand public sur l'importance de la conservation de la mémoire du centre et pour réfléchir sur la façon de transmettre cette mémoire aux générations futures.