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Passeurs de mémoire (interview du groupe de la Manche)

Depuis 2011, un « groupe mémoire » a été créé pour chaque site de l’Andra afin de réfléchir aux moyens de transmettre la mémoire des centres de stockage aux générations futures. Entre la collecte d’articles de la presse locale, la co-création d’une ultra-synthèse sur le Centre de stockage de la Manche (CSM) ou la mise en place d’un parcours mémoriel sur la commune de Digulleville, les membres du groupe de la Manche cherchent à faire perdurer la mémoire des lieux. Marie-Claude Alessandrini y participe depuis le départ. Témoignage.

Depuis quand et pourquoi vous êtes-vous engagée dans le groupe mémoire de la Manche ?

Marie-Claude Alessandrini

J’ai intégré le groupe au moment de sa création. C’était dans la continuité de mes activités : j’avais été salariée chez Orano, puis élue et membre de la commission locale d’information du CSM et donc informée sur la gestion des déchets radioactifs par l’Andra. Je pouvais désormais réfléchir au futur et explorer un sujet moins scientifique.

 

Voilà près de 10 ans que votre groupe existe : pouvez-vous nous rappeler ses missions ?

Quand on a commencé nos travaux, notre interrogation était la suivante : si quelqu’un dans plusieurs siècles se décidait à implanter une station balnéaire en bord de mer, sur un ancien site de stockage de déchets radioactifs, comment le prévenir de ce qui s’était passé sur ce lieu ? Nous recherchons donc des marqueurs identifiables sur le long terme pour matérialiser l’existence du site dans le temps.

 

Qui compose votre groupe ? Quels sont les profils (métiers, genre, âge…) ?

Réunion du groupe mémoire

Nous sommes une quinzaine de personnes de 60 ans et plus. Des élus locaux et agriculteurs, d’anciens salariés de l’Andra, d’Orano, un archiviste de la Marine nationale ou encore une ancienne bibliothécaire de la ville de Cherbourg. Nous avons un grand plaisir à nous retrouver, ce qui facilite nos travaux.

 

De quels travaux et réalisations êtes-vous la plus fière ?

Notre participation en 2016 et 2018 au jury du concours Art et Mémoire pour le prix du public nous a beaucoup marqués. Nous avons découvert chaque projet d’artiste individuellement avant d’en discuter collectivement. Il a fallu qu’on se pose les bonnes questions : pourquoi choisit-on une oeuvre d’art ? Et serait-elle réalisable sur notre site ? C’est très enrichissant de s’ouvrir à l’art. Par ailleurs, nous avons passé beaucoup de temps à collecter des articles de la presse de la Manche pour tout ce qui concernait l’Andra et le CSM entre 1967 et 1992.

Could in/Could out », Alice et David Bertizzolo, prix du public de l'appel à projets artistiques 2016

Vous avez aussi contribué à l’élaboration d’une ultra-synthèse qui figure dans le dossier synthétique de mémoire du CSM. Un travail pour lequel vous avez collaboré avec les étudiants en sémiotique de l’université de Limoges. Que vous ont-ils appris ?

ultra-synthèse du CSM

C’est un énorme travail : synthétiser 100 pages d’informations sur le centre en une seule page recto verso ! Nous avons d’abord débattu pour s’accorder sur ce qu’il fallait mettre et sur la manière de le faire : écriture, symboles, images… Après une première version, nous avons échangé avec les étudiants en sémiotique afin de bénéficier de leur regard d’experts du langage. Nous avons alors réalisé à quel point c’était un métier. Ils nous ont beaucoup éclairés sur les symboles et leur utilisation, mais aussi conseillé pour alléger encore la page.

 

Quels sont vos objectifs pour les années à venir ?

Notre objectif est de valoriser les articles de presse que nous avons répertoriés sous forme d’un document – un livre par exemple – retraçant l’historique du site dans son environnement géographique et sociétal, afin de transmettre une photographie de la perception qu’on avait alors à nos descendants.