Sous-marins nucléaires : des producteurs de déchets « ordinaires » !
Fin 2024, après trente-sept ans de service actif, le sous-marin nucléaire d'attaque l'Émeraude a entamé son dernier voyage avant son désarmement. Au cours de toutes ces années de fonctionnement, il a produit, comme toute installation nucléaire, des déchets radioactifs. En petites quantités, ces déchets de la Défense nationale sont pris en charge par l’Andra au même titre que ceux des hôpitaux, des laboratoires de recherche ou encore des industries qui utilisent les propriétés de la radioactivité. Ils sont donc soumis aux mêmes obligations pour être stockés en toute sécurité. Explications.

© Raimond Spekking / CC BY-SA 4.0 (via Wikimedia Commons)
Indétectables, mystérieux : les sous-marins nucléaires nourrissent les fantasmes. Mais du point de vue des déchets radioactifs qu’ils produisent, ils ne diffèrent en rien des installations électronucléaires civiles, à savoir qu’ils produisent des déchets radioactifs tout au long de leur exploitation, puis lors de leur démantèlement. « 85 % des colis de déchets radioactifs provenant de sous-marins nucléaires que nous recevons sur nos centres de stockage dans l’Aube, le CSA(1) et Cires(2), sont le produit d’opérations de maintenance au cours de l’exploitation : gants, chiffonnettes, vinyles, petits outils… Les 15 % restants proviennent d’opérations de démantèlement en fin de vie : pièces métalliques, éléments de chaufferie ou de circuit primaire(3) », confirme Bastien Planel, ingénieur approbations faible et moyenne activité (FMA) au service Acceptations et Spécifications colis de l’Andra.
Dans les deux cas, les déchets sont orientés en fonction de leur niveau de radioactivité et de leur durée de vie : l’Andra accueille ainsi les déchets très faible activité (TFA) au Cires, tandis que ceux de faible à moyenne activité à vie courte (FMA-VC) sont destinés au CSA(4).
Un processus rigoureux

© Ecpad
Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est maître d’ouvrage délégué des programmes de chaufferies nucléaires en France(5), et passe commande à de grands industriels pour la construction des chaufferies nucléaires(6). Il s’appuie sur l’expertise technique du Service technique mixte des chaufferies nucléaires de propulsion navale (STXN), qui regroupe du personnel civil ou militaire, du ministère des Armées et du CEA.
Le SXTN est l’interlocuteur de l’Andra pour tout ce qui touche à la prise en charge des déchets radioactifs. Il doit informer l’Agence sur la nature exacte des colis et des déchets qu’il lui adresse : quantité, volume, composition physico-chimique et radiologique, types d’emballage, etc. Leur expédition puis réception sur les sites de stockage de l’Andra sont soumises à l’approbation préalable de cette dernière. Des réunions mensuelles avec entre le STXN et l’Andra permettent d’anticiper ces opérations et d’optimiser le remplissage des ouvrages et des alvéoles de stockage.
Des déchets très conventionnels
Les volumes concernés annuellement sont faibles : environ 200 « big bags » de déchets TFA pour le Cires, 40 fûts à compacter et quatre caissons à injecter de déchets FMA-VC pour le CSA. « Cela représente 0,4 % des 55 000 colis que reçoit l’Andra chaque année, calcule Bastien Planel. Pour nous, il s’agit vraiment d’un petit producteur de déchets radioactifs. »
À l’arrivée des camions, l’Andra vérifie l’état des colis et effectue des contrôles radiologiques. Des prélèvements peuvent également être effectués pour s’assurer que les déchets sont bien conformes à ce qui a été déclaré et validé. « Nous faisons exactement la même chose que pour le nucléaire civil : le processus, les documents, les contrôles, les normes sont identiques », précise Bastien Planel.

© Marine nationale/Christophe Géral (Creative Commons)
(1) Centre de stockage de l’Aube (CSA)
(2) Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires)
(3) Circuit fermé assurant la transmission de la chaleur dégagée dans le cœur du réacteur vers les générateurs de vapeur, qui transforment cette chaleur en vapeur.
(4) Découpée du reste de la coque lors du démantèlement, la tranche réacteur, est quant à elle entreposée provisoirement sous surveillance. En savoir plus.
(5) Conformément à « l’Œuvre Commune » qui définit notamment le périmètre des missions entre le ministère des Armées et le CEA
(6) Au sein de la Direction des applications militaires (DAM) où ils sont pilotés par la Direction de la propulsion nucléaire (DPN).
Sous-marins nucléaires français : état des lieux
Les forces sous-marines françaises disposent aujourd’hui de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE-2G) dotés d’un armement mettant en œuvre des missiles équipés de têtes nucléaires et de six sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) à l’armement conventionnel.
Les premiers SNLE-1G, de la génération du Redoutable inauguré en 1967 et aujourd’hui exposé au musée de la Mer de Cherbourg, sont tous en phase de démantèlement et de déconstruction. Ils ont été remplacés par une nouvelle génération de SNLE, de type Le Triomphant, mis en service à partir de mars 1997.
Les SNA de première génération, de classe Rubis (mis en service en 1983), sont progressivement désarmés pour laisser la place aux SNA de deuxième génération, de type Suffren, dont le premier bâtiment a été admis au service actif en juin 2022.