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Zoom sur trois projets artistiques sur la mémoire

Depuis 2015, l’appel à projets Art et mémoire invite les artistes de toutes les disciplines à proposer leurs idées pour contribuer à la réflexion collective sur la mémoire des stockages de déchets radioactifs. La dernière édition en date, en 2018, a primé trois projets. Retours sur ces réalisations.

1ER PRIX DU JURY : Termen, de Laure Boby

L’artiste et réalisatrice parisienne, Laure Bobby, a proposé une balise spatiale et temporelle qui à la fois signale et contient la mémoire. Elle a ainsi présenté un triptyque de tumuli (collines) de 5 à 10 mètres de haut.

« Chaque tumulus est constitué de nombreuses couches de matériaux géologiques (roches argileuses et calcaires locales, marnes) et « anthropogéniques », c’est-à-dire provenant de l’action humaine (béton, roches-agrégats de plastiques, par exemple). Ces couches rappellent à la fois le site terrestre du stockage (qui aura peut-être disparu dans le futur ?) mais surtout cette époque, la nôtre, où l’on utilisait l’énergie nucléaire, explique Laure Boby. De fines plaques en métal, incrustées entre certaines strates, transmettent des informations sur le site, sous forme de dessins. » Des « œuvres » naturelles qui, avec le temps changeront d’aspect, se végétaliseront ou se dévégétaliseront au gré des conditions climatiques. « Mais il reste visible de loin, sur terre, mais également du ciel, souligne l’artiste. Cette question de la vue du ciel est essentielle dans ma proposition. La mémoire pourrait se perdre, mais la trace du site perdurer. »

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2E PRIX DU JURY : Implore/Explore de Tugba Varol et Adrien Chevrier

Artistes plasticiens, Tugba Varol et Adrien Chevrier ont proposé « un monument gigantesque et saillant qui figure physiquement l'importance du lieu. La forme globale de l’œuvre a été pensée à partir des “pétales” du symbole de la radioactivité, relevés à 60° et se dressant devant nous comme des monolithes imposants », décrit le duo. L’idée est ainsi d'utiliser comme langage symbolique, la géométrie et les ordres de grandeur.

Un baril contenant un échantillon de déchet radioactif, figé dans un épais cylindre de verre, se trouve au centre du monument. Et, aux dos des monolithes, des inscriptions indiquent que sous la terre se trouve une plus grande quantité de ce qu’il y a dans ce baril. « En effet nous avons pensé qu’il serait idéal, pour un archéologue, de connaître sans creuser le contenu d’un tel site, confient les deux artistes. La curiosité, la plus grande qualité mais aussi le plus grand défaut humain, est probablement ce qui nous pousse le plus souvent à franchir les interdits. C’est ce qui nous a amenés à prendre en compte la curiosité qui animera de lointains futurs archéologues. »

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PRIX DU PUBLIC : Lithonance, de Florian Behejohn

Designer sonore, plasticien et enseignant, Florian Behejohn a proposé un projet très intrigant constitué d’un ensemble de mégalithes en roche de synthèse, mêlant dispositif d’alerte et d’information, et système acoustique monumental. « Les mégalithes sont disposés en trois cercles concentriques, et chacun – blanc, jaune et rouge – figure un niveau de danger. Leurs formes vont de l’ogive dans la zone la plus éloignée jusqu’au pavé droit aux arêtes saillantes dans la zone la plus proche du stockage. Sur chaque face, des informations hiéroglyphiques renseignent sur la position du site. Elles fournissent également une mise en garde imagée quant au danger lié à la radioactivité », décrit l’artiste.

Dotés de propriétés vibratoires et résonnantes, les immenses blocs de pierre de Lithonance captent et amplifient la force cinétique du vent et de l’eau pour produire des sons dont l’objet est d’attirer et de traduire un message d’alerte. « J’ai cherché à retrouver des formes et les langages éprouvés depuis des millénaires par les êtres humains comme les mégalithes et les hiéroglyphes, explique Florian Behejohn. J’ai aussi tenté de multiplier les chances que le message soit compris en croisant les différentes approches (sonore, visuelle, architecturale) et modalités d’usage de l’objet. »

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